Balade nocture [Pv Luderik]

C’était une belle journée, le soleil était haut dans le ciel sans nuage. Les humains se promenaient dans les rues de la ville, chacun dans son propre monde et ne se souciant que de leurs problèmes personnels. Elrisa observait cet étrange ballet depuis la terrasse d’un petit restaurant. Même si elle avait fini son repas, elle s’efforçait de prolongé le plus longtemps possible pour évité, d’avoir à marcher sous ce soleil. Même assise, elle était prise de vertige sous ce soleil de plomb, alors hors de question de marcher, tant que le soleil ne sera pas un peu moins fort. Après une heure d’attente, la jeune femme finit par quitter le restaurant, après avoir payé son addition.

Une fois sortie du restaurant, la jeune infant se figea, indécise. Quelle direction prendre? Par où aller? Haussant les épaules, en se disant qu’elle avait tout son temps. Après tout, elle n’entrait au service des Bathory que le lendemain. Elle avait donc toute la journée pour se relaxer et se détendre. La journée se déroula lentement, Risa passa le plus clair de son temps dans un parc à observer les jeunes enfants et à se demander ce que serait devenue sa vie si sa mère l’avait aimé. Serait-elle la femme qu’elle était aujourd’hui? Non sûrement pas, mais est-ce que son présent aurait été semblable ou différent? Elle ne le saurait sûrement jamais, puisque cela n’appartenait qu’à des possibilités. Se ressaisissant soudainement, Elrisa sortit de ses pensées et observa le ciel, qui entre temps, s’était assombri. Ce n’était pas le moment de repenser aux passés et de devenir nostalgique.

L’infant se redressa et se dirigea d’un pas lent vers l’hôtel où elle avait loué une chambre en attendant de prendre son service auprès des Bathory. Voyant que la nuit était encore jeune, elle se décida à emprunter des détours. Elle avait toujours aimé la nuit, elle devait tenir ce penchant de son côté vampire. Tous ses détours l’ayant emmené à proximité de la nécropole, la jeune femme se demanda comment elle avait fait pour se retrouver là. Elle ne gardait pas le souvenir d’avoir emprunté un chemin menant à cet endroit lugubre. Quoi qu’avec tous ces détours, il était fort probable qu’elle aille perdu le sens de l’orientation pendant un bref moment.

Soudain, elle entendit un éclat de voix venait de la nécropole. Curieuse, Elrisa se demanda qui pouvait bien être à la nécropole à cette heure? Rares étaient les gens à être encore dehors à cette heure, surtout dans cette partie de la ville. Lentement, elle s’avança dans la nécropole, attentive à tous les sons qui l’entouraient. Un mouvement, à la limite de son champ de vision, attira son attention. Vivement, elle se retourna pour voir un homme s’enfuir en courant. Pourquoi cet homme courait-il?

*Qu’est-ce qu’il fuit? Moi? Mais pourquoi? Il doit cacher quelque chose*

Décidée à découvrir ce que c’était, la jeune femme s’élança à la poursuite de la silhouette, mais finit par la perdre de vue. Résigné à finalement retourner à son hôtel, Risa se retourna pour sortir de la nécropole, mais remarqua qu’elle s’était égarée… Comment avait-elle fait son coup? Un soupir lui échappa et lentement, prit une direction, choisie au hasard. Se laissant à nouveau absorber par ses pensées, Elrisa ne remarqua pas qu’elle n’était plus seule dans la nécropole

Une journée ensoleillée. Magnifique pour les autres, horrible pour Luderik. Il avait les yeux dans le vague assis sur son lit, attendant simplement que le temps passe. Il déteste ce genre de journée. C'était normal après tout, puisqu'il a toujours été un homme qui bougeait. Donc rester, même une journée à ne rien faire, était insupportable. Au bout d'une heure d'inactivité, le vampire finit par se lever. Il n'en pouvait plus. Il s'étira longuement, voyant sur le sol un rai de lumière qui filtrait derrière les rideaux. Coincé ainsi alors qu'il n'avait pas cours le mettait franchement en rogne. Ce soir, il allait sortir. Au moins toute la nuit. Se venger sur les êtres qui osaient sortir dehors. Faire souffrir, encore et encore... Il en avait besoin. La sauvagerie n'était plus au rendez-vous depuis quelques temps, vu qu'il ne pouvait pas vraiment tuer ses victimes. Les charmer était long, inutile et comme son impatiente le trahissait souvent, peu fructueuse. Donc ce soir, la violence serait de sa partie. Bouillant d'impatience, il fixa pendant de longues heures les rais de lumière qui pénétraient sa chambre et attendirent en rageant intérieurement le moment fatidique pour sortir.

Enfin, le moment arriva. Le couvre feu allait bientôt retentir, pourtant il s'en fichait. Le vampire avait l'habitude d'outrepasser les règles, et de toute façon, s'il se faisait prendre, il serait ravi de revoir son peeeeetit neeeeeveu. Et l'embêter un peu. Il est vrai que sa condition d'élève ne lui plaisait pas tout le temps. Il se sentait inférieur par rapport aux professeurs à qui il devait une certaine forme d'obéissance, et surtout, au directeur dont la seule envie qu'il avait n'était pas vraiment la meilleure et celle d'un élève normal. Remarque il n'était pas un élève normal. Un faux étudiant jouant son rôle assez bien pour le moment. Bref, s'il voulait s'amuser un peu, il devait trouver des gens de la ville. Et éviter les pertes, de préférence. Les meurtres étaient très redoutés depuis bien longtemps dans ce coin. Et il le savait, puisqu'il avait vite compris que la demeure où il habitait depuis quelques semaines était beaucoup plus vieille qu'on ne le pensait. La nécropole qui s'étendait sur une colline bien loin de l'académie devait avoir plus d'os que de terre sous ses pieds. Les morts s'empilaient depuis des siècles, morts prématurés sous les crocs d'un vampire. Sous ses crocs, celui de ses déjantés de frère et ses parents qui avaient vécu dans le coin puis disparus. Un soupir d'agacement sortit de sa gorge lorsqu'il prit sa grosse veste noire. Il laissa sa panoplie de lunettes ici, choisissant ce soir de jouer aux vampires classiques : long pantalon noir luxueux, et une chemise crème du style du XVIIIe siècle : de la dentelle sur le col, et les manches s'élargissant au bout avec plusieurs couches de tissu dentelé. De gros boutons dorés complétait le tout au milieu, eux aussi rehaussés par de la belle dentelle délicate. Il vérifia enfin que son jeu de cartes était bien dans la poche de son manteau et ravi, sortit de la pièce.

L'air frais lui fit le plus grand bien. Respirant à fond dans la nuit naissance, il ferma un instant les yeux avant de les rouvrir et de se diriger d'un pas ferme vers la nécropole. Il savait que depuis quelques temps, un groupe de jeunes s'amusaient à faire des faux rites stupides qu'ils disaient « sataniques ». Cela le faisait bien rire, et pendant qu'il marchait à travers les rues bien illuminées à cette heure-ci, il échafauda un plan pour capturer ces petits idiots. A peine une demi-heure après avoir quitté sa chambre, il arriva à l'entrée de la demeure des morts. Au loin, il distingua un petit feu qui commençait à prendre avec lenteur. Il s'en approcha et fit le tour pour les surprendre par derrière. Caché sous un arbre, il observa le petit groupe qui effectuait maladroitement un rite qu'ils ne connaissaient pas. Il ne put s'empêcher de ricaner en reconnaissant la prière du soir qu'adressaient les paysans du Moyen Age aux démons pour leur demander de ne pas les attaquer. A la fin de leurs psaumes, Luderik sortit de sa cachette et attrapa tout simplement celui qui était le plus proche de lui. Il le fit tomber à la renverse et regarda les deux autres d'un air démoniaque. Sa peau laiteuse avait un éclat malveillant et gris sous les flammes, ces dernières se reflétant dans ses yeux. Bouche bée, les deux abrutis regardaient leur ami se relever difficilement. Sans vergogne, le sang pur l'attrapa par les cheveux et le mordit brutalement dans le cou, se délectant de son liquide vital. Réagissant enfin, les deux autres zigotos s'enfuirent en hurlant. Le dernier n'eut même pas le temps d'émettre le moins de son, car au bout de quelques minutes à peine où le silence était juste gêné par le crépitement des flammes et le bruit de succion de vampire, il retomba sur le sol. Mort.

Du revers de sa manche, il s'essuya la bouche et étouffa le feu. Des bruits de pas venaient de lui parvenir non loin de là, et il ne voulait pas être surpris aussi bêtement. Il planqua ensuite le cadavre de l'homme dans un fossé et se dirigea vers les bruits suspects qu'il avait entendu. Tous ses sens sur-développés étaient à l'affut du moindre problème, il se cachait derrière les grandes tombes dédiées aux personnages plus importants. Enfin, il repéra une odeur qui lui était familière... mais qu'il n'arrivait pas à identifier. Où avait-il déjà rencontré cette odeur sucrée où pointait une touche de lavande ? L'odeur caractéristique des infants, qu'il ne supportait pas dans leur généralité... Mais qu'il ne trouvait pas si désagréable que cela dans le cas présent. Il s'approcha encore silencieusement pour pouvoir distinguer la personne qui était là. Il finit par la voir, mais il était encore trop loin et la lumière trop basse pour qu'il puisse distinguer ses traits avec netteté. Sa curiosité prenant le dessus, il sortit de sa cachette et avança dans l'ombre. Un léger vent apportait facilement son odeur à cette infant qui le reconnaîtrait sûrement plus que lui. Après tout... Il était inoubliable, non ?

Il s'avança encore, et finit par s'arrêter à quelques pas de l'inconnue. Il remarqua alors que trois tâches de sang étaient étalées sur sa chemise crème et les cacha rapidement avec son manteau qu'il ferma avec les petites chaînes prévues à cet effet ( un peu spécial son manteau ). Le poids de ses cartes se faisaient sentir et il en sortit une qu'il passa de main en main, jouant avec entre ses doigts habiles et trop rapides par moment pour un œil mortel. Un sourire confiant étirait ses lèvres, comme à son habitude.

- N'avez-vous pas peur des morts, mademoiselle ? La nargua-t-il pour rompre le silence lourd. Tous les morts semblaient écouter leur échange, au bout de leurs lèvres dans l'air pesant. Il ne l'avait pas encore reconnue, mais il le pourrait quand la Lune se sera levée... Bientôt, il l'espérait.

Elrisa était à ce point absorbé par ses pensées, se demandant qu’est-ce qui avait pu attirer des humains dans ce sombre endroit. Plus elle y pensait et plus elle avait l’impression que ça devait être des fanatiques de Satan. Encore des humains croyant pouvoir avoir l’immortalité en passant un pacte avec le diable! Peuh! Comme s’ils savaient ce que c’était d’être immortel… ou du moins en avoir la possibilité. Si ces humains savaient quel était le prix à payer pour l’immortalité, est-ce qu’il accepterait souvent de devenir immortel? Personnellement, la jeune infant en doutait. Parfois, sa moitié vampire lui devenait vraiment trop pesante et commençais à regretter de ne pas être entièrement humaine. D’autres fois, c’était entièrement le contraire, préférant devenir entièrement vampire pour ne plus à avoir à supporté la haine des mordus et des sangs purs.

Risa était tellement absorbée par ses pensées, qu’elle remarqua trop tard, qu’elle n’était plus seule. La jeune femme sentait qu’il avait quelqu’un derrière elle. L’infant sortit de ses pensées en entendant quelqu’un lui demander si elle n’avait pas peur des morts. Surprise et craignant d’avoir affaire à un bandit ou une quelconque crapule, Elrisa se retourna vivement. Malheureusement, la lune n’était pas encore levée, l’empêchant de bien voir la personne qui était désormais en face d’elle. Cependant, il lui rappelait quelqu’un… qui? Elle n’arrivait pas à s’en souvenir. Peut-être que son visage lui permettrait de se souvenir, mais cela pouvait aussi être un tour de son imagination. Instinctivement, elle avait pris une position défensive, mieux valait prévoir que guérir.

"Non je n’ai pas peur des morts. Et vous? En avez-vous peur?"demanda-t-elle d’une voix suave et avec un accent russe.

Malgré la pénombre, Elrisa tentait de voir qui se trouvait devant elle. Cet anonymat forcé était à la fois amusant et irritant. Elle s’amusait de savoir qu’elle n’était pas la seule à ignorer qui se trouvait devant elle, l’inconnu était dans le même cas. Cependant, c’était irritant de ne pas savoir qui était devant elle, si c’était une menace, elle ne le saurait qu’au moment où cet homme passerait à l’action. Tout en tente de percer les ténèbres, la domestique s’efforçait de rester attentive à ce qui l’entourait. Elle ne voulait plus être prise de court à nouveau. Déjà le fait que cet homme ait pu s’approcher d’aussi près l’énervait énormément, mais elle s’efforçait de garder son calme. Se mettre en colère ne servirait à rien et ne ferait qu’empirer les choses.

Finalement, la lune finit par ce levé et ses faibles rayons lunaires éclairèrent la nécropole et levèrent enfin le voile de ténèbres qui entourait l’inconnu en face d’elle. En voyant l’homme qui se trouvait devant elle, Risa se raidit. Quelque chose chez cet homme lui était familier, mais elle ne saurait dire quoi. Peut-être venait-il de son passé? C’était possible, et s’étant efforcé de tout oublier de son passé, il était fort probable qu’elle ne se souvienne pas de lui. Pourtant, quelque chose lui disait que l’inconnu n’aimerait pas savoir qu’elle l’avait oublié. En l’observant de plus près, elle remarqua qu’il était vêtu à la « mode vampire », une mode qu’elle trouvait particulièrement idiote. En effet, ce n’était pas parce qu’ils étaient des vampires qu’ils devaient absolument être vêtus de noir. Il devait être un mordu qui appréciait de se vêtir de noir ou bien un humain complètement fanatique des vampires au point de se prendre pour un vampire. Cependant, son instinct lui soufflait que ce n’était pas un humain… quelque chose dans son attitude laissait penser que c’était un véritable vampire.

Un léger vent se leva et prit dans les cheveux de la jeune femme ainsi que dans le manteau de l’homme. Malgré sa ferme résolution à ne pas se replonger dans son passé, Elrisa voulait savoir d’où lui venait cette impression de déjà vu avec cet homme. Plus elle y pensait et plus elle était sûre qu’elle l’avait déjà rencontré, mais où, quand et pourquoi? Là était la question. Elle n’avait que la certitude de le connaître et qu’il venait de son passé. Pendant qu’elle réfléchissait, elle commença à se mordiller la lèvre inférieure, un tic qui n’apparaissait que lorsqu’elle réfléchissait intensément ou qu’elle était nerveuse. Elle était fermement décidée de tirer cette affaire au clair pour de bon.

"Vous êtes déjà venu en Russie. " demanda-t-elle avec son accent, même si sa question était plus une affirmation qu’une interrogation.

La Russie, pays ténébreux et effrayant, qui ne montrait ses atouts qu'à la nuit tombée. Cette obscurité grandissait à travers les territoires, assombrissant le cœur des gens. Un pays fort étrange que Luderik avait appris à aimer avec beaucoup de vivacité. Les caricatures des peuples russes s'étalaient partout dans le monde, et certaines, plus ou moins néfastes, n'étaient pas si imagées. La rudesse de ces personnes était un fait, comme cet accent sensuel qui faisait fantasmer bon nombre d'hommes en quête d'amour... Ou de tout autre chose bien plus démoniaque. Face à la réponse de sa nouvelle proie, ses souvenirs réapparurent comme l'éclair qui venait de traverser le ciel derrière lui. Le grondement titanesque de l'éther suivit quelques secondes plus tard, menaçant et terriblement dangereux pour quiconque se baladait dans un endroit découvert et en altitude. Exactement où ils étaient, en fait. Les êtres angéliques, l'éden lui-même, la créature qui présumait être le sauveur et celui qui décidait du bien se mettait-il en colère face au crime qu'il venait de commettre, ou qu'il s'apprêtait à faire ? A moins que ce ne soit un simple avertissement... Les souvenirs n'étaient pas forcément de bons compagnons, mais souvent les seuls que les vampires réussissaient à garder près d'eux. L'infortune ne gagnait pourtant jamais le cœur du sang pur, qui gardait en tête que le jeu était l'une des seules choses intéressantes que l'Homme ait créé. Le jeu, ah ce beau jeu qui nous séduit, tentation extrême. La luxure, qui rappelait à l'incube les folies de son séjour en Russie. Une de ses proies, petites et frêles jeunes filles qu'il avait séduites, se tenait juste en face de lui dans une attitude soudainement défensive. Avait-elle peur de lui ? C'était certain. Son regard la trahissait ainsi que sa position, et elle avait sûrement croisé les deux abrutis qu'il avait fait fuir. Son accent si plaisant vint rompre le silence pesant et humide qui s'intensifiait autour d'eux. Son regard était rivé sur sa carte et il ne semblait pas s'attendre à une quelconque réponse. Pourtant, cet accent si envoûtant lui avait fait lever la tête malgré la futilité de sa réplique. Un sourire charmant où une pointe sordide s'entremêlait dévoilait quelque chose de plus dangereux encore que son attitude et sa chemise tâchée maladroitement dissimulée.

- Mais... Il marqua une pose. Je suis mort, dit-il avec un air stupéfait et mielleux. Je ne vois pas pourquoi j'aurais peur de moi-même.

Il s'avança d'un pas, écourtant la distance entre les deux créatures immortelles. La Lune venait juste de se lever, permettant ainsi à Luderik de reconnaître totalement sa victime : cette petite Elrisa, cette jeune fougueuse qui ne semblait pas si ravie de sa vie... Avait-elle changé ? Combien d'années, déjà ? Pas tant que cela, son dernier voyage au pays soviétique datait d'il y a quelques années... Trois ou quatre ans au maximum. Ah, le temps semblait s'allonger. les années passaient lentement, ou trop rapidement. Sa vie n'était qu'un long fil infini, qui s'étendrait jusqu'à ce qu'il devienne complètement fou. L'éternité était tellement longue. Rapide. Et lente. Insupportable. Et agréable. Perdu dans ses pensées de vie et d'infini, il fut soudain troublé par la question de son interlocutrice et ancienne amante. Ah, elle n'avait pas encore retrouvé son identité. C'était bien vexant, tout de même. Mais cela lui apportait un avantage certain sur la tournure de cette conversation et de cette soirée qui s'annonçait bien plus spéciale qu'il ne l'avait d'abord pensé. Une nouvelle brise vint frôler son visage et souleva son manteau, sans toutefois défaire les deux chaînes argentées. Il retint fermement le papier coloré toujours présent dans sa main pour qu'il ne s'envole pas et reporta son attention sur la jeune femme. Il répondit, faisant d'abord mine de ne pas l'avoir reconnue.

- En effet. Il pencha la tête d'un air fortement intéressé, lorgnant sa proie d'un tel regard déformé de toute sociabilité qu'il en était effrayant. La Lune fut cachée par les nuages de plus en plus gros et menaçants, comme si le ciel lui-même se préparait à un nouveau meurtre. Si je ne vous fait pas peur, pourquoi une frêle personne telle que vous vient déranger nos anciens compatriotes ? Son expression se fit plus méprisante en examinant l'infant puis commenta pour lui même, tout bas. Et victimes de toutes sortes...

Elrisa regardait attentivement l’homme devant elle. Plus les secondes s’écroulaient et plus elle était certaine d’avoir rencontré cet homme en Russie. Cependant, elle ne parvenait pas à mettre un nom sur ce visage, qui lui était familier. Elle voulait découvrir qui était cet homme, sans pour autant replonger dans ses souvenirs du passé. Exploit complètement impossible, puisque les deux étaient liés. Elle ne pouvait retrouver le nom de cet homme sans pour autant rester loin de ses souvenirs. Elle le comprit rapidement, quand son passé lui revient. Tous les souvenirs qu’elle s’efforçait d’oublier lui revinrent tous en même temps. Risa recula vivement, comme frapper par une quelque force invisible. Elle commença à trembler, elle ne voulait pas se rappeler de son enfance, mais une fois les valves du passé ouvertes, elle ne pouvait plus les fermer. L’infant porta les mains à ses yeux, dans l’espoir d’effacer les scènes qu’elle voyait.

Lorsque revient à elle, Elrisa baisa ses mains et les regarda... elles tremblaient. Combien de temps s’était-il passé depuis que ses souvenirs lui étaient revenus? Elle l’avait entendu lui dire qu’il était mort, alors il n’avait aucune raison d’avoir peur de lui-même. Cela lui rappelait une phrase qu’un homme lui avait dite en Russie. Soudain, la lumière se fit. Elle regarda à l’homme et le reconnut enfin. Il n’avait pas changé en… quoi? Trois ou quatre ans? Pourtant, cela lui semblait si loin… Sa Russie natale lui manquait, elle sentait le mal du pays l’envahir à nouveau.

" Kaelan… Kaelan De BeauMarchais " murmura-t-elle, surprise de le reconnaître et de l’avoir croisé à cet endroit.

La jeune domestique sortit enfin de sa stupeur et parvient à contrôler les tremblements de son corps. C’est avec peine et misère qu’elle parvient à refouler ses souvenirs au plus profond de sa mémoire. Cependant, maintenant que les valves avaient cédé, elles pouvaient céder à tout autre instant. Elle entendit Kaelan, un des rares hommes à être parvenu à l’approcher d’assez près pour qu’elle le considère comme un proche, lui demander pourquoi elle venait à cet endroit déranger les disparus.

"Mes pas m’ont conduite près de la nécropole et j’y suis entré en voyant quelqu’un fuir… et vous Kaelan? Que faites-vous ici?"

Elrisa se sentait intimidée par le regard que lui lançait Kaelan. Elle se sentait examinée et avait l’impression qu’il pouvait voir au plus profond de son âme. Cependant, elle avait l’impression que lui ne l’avait pas reconnu. À cette idée, elle fut légèrement déçue, mais après tout pourquoi un homme comme lui se souviendrait-il d’elle… une jeune femme déchirer entre sa moitié humaine et sa moitié vampire?

Le mensonge était la base même de la manipulation, bien entendu. L'illusion pouvait être telle qu'une vie pouvait s'inventer pour la personne qui savait utiliser les mots à son avantage. Et à vrai dire, Luderik avait dans le passé largement abusé de ce pouvoir qu'il se vantait facilement, ce qui n'était pas forcément une bonne chose. Le sang pur se souvenait très bien des remontrances que son maître et frère lui avait faites dans le passé, cependant cela ne servait à rien ; il adorait toujours autant jouer avec les tromperies, disant un peu de vérité, puis un bobard ignoble et inconcevable qui mettait la personne en doute. Une sorte de provocation, si ses victimes étaient assez intelligentes pour comprendre un minimum ses manigances. C'est pour cela que pour le moment, il se marrait doucement en voyant cette jeune russe chercher en vain dans ses souvenirs pour retrouver la fausse identité du vampire. Après tout, toutes les identités qu'il avait abordées n'étaient jamais la véritable. Chaque pays connaissait un homme différent, mais qui créait des conflits plus qu'étranges dans la haute société. Un simple paysan, un servant ? Hop ! Transformé en ami d'une riche duchesse ou un membre retrouvé d'une famille importante. Puis une disparition mystérieuse après un fait encore plus sombre, souvent lié à des faits maléfiques. Un passe temps plus qu'attrayant pendant quelques siècles, mais qui commençait sérieusement à le lasser, surtout avec des abrutis.

L'attitude peu attendue de son interlocutrice laissa Luderik curieux. Avait-il un effet si dévastateur sur cette soviétique ? Ou était-ce un trouble psychique quelconque qui la transformerait en une bête effroyable et plus terrible que les enfers ? Juste à y penser, son moral montait en flèche. Le jeu ! Encore, et encore, le divertissement était primordial, même s'il fallait mettre sa vie en danger. Enfin, quelle vie ? Comme il l'avait souligné un peu plus tôt, il faisait bel et bien partie des morts. Ce qui n'était pas tout à fait faux, ni tout à fait vrai. Qui pouvait se juger mort ? Enfin, autant par cette pensée que par la réponse de son interlocutrice, il éclata simplement de rire. Un rire méprisant, dénué de bonne volonté qui ne voulait dire qu'une chose : mais quelle bêtise ! Ce nom qu'il avait inventé de toute pièce l'étonnait qu'il ait aussi bien marché. Mais en y pensant bien, ce n'était pas si surprenant : les noms français étaient facilement reconnaissables, mais pas connus. On ne cherchait pas plus loin, juste l'allure donnait la forme, et cela suffisait. Et après tout, pourquoi mentirait-il ? On ne se doutait pas forcément qu'un simple homme cherchant la luxure était en fait un tueur discret et suceur de sang. Il allait maintenant pouvoir troubler sa belle Elrisa et folâtrer encore un peu avant de prendre son deuxième repas de la soirée. Il s'approcha donc d'elle et déposa délicatement sa carte dans le creux de la main droite de l'infant. Le papier coloré était à l'envers, la face intéressante était donc cachée. Il savait pourtant exactement quelle carte il avait mis dans sa main, ayant une connaissance importante sur la signification des cartes - signification qu'il ne trouvait pas particulièrement intéressante, mais l'incube adorait jouer avec ses victimes dans ce genre de jeu. Eux ne comprenaient pas, étaient dupés. Il prit ensuite son autre main et la leva légèrement, juste à la hauteur des yeux de la jeune femme. Un sourire presque charmant assombrit son visage, car on percevait très facilement une pointe perverse qui apparaissait à la commissure de ses lèvres.

- Kaelan... ? Commença-t-il de sa voix aussi légère qu'un bruissement de feuilles. Seriez-vous aussi crédule que cela, ma chère ? Votre appartenance vampirique... Il fit une grimace sur ces derniers mots, montrant bien un certain dégoût à avouer ce fait. Après une courte pose, il continua : ... Ne vous instaure pas une certaine intelligence quant à décrypter la réalité du mensonge ?

Luderik repartit dans un rire confiant. Son attitude était totalement différente de celle abordée en Russie. En effet, dans ce pays lointain et froid, il s'était toujours comporté comme un gentleman. Les femmes s'accrochaient à ses bras comme de simples décorations, et lui les utilisait quand il en avait envie. Charme, gentillesse, politesse, ces mots l'habitaient continuellement tout le long de son voyage. Maintenant, seules cruauté, provocation et froide beauté le démarquaient. Il n'y avait que son allégresse qui restait perpétuellement au fond de ses yeux, derrière le sadisme et la puérilité. Une joie imprudente, qui trahissait ses envies. Le sang pur jeta un regard avide sur la carte et finit par la retourner, la laissant toujours dans la main de la domestique. C'était le deux de pique, qu'il avait pris soin de choisir. Elle informait d'une tromperie, d'actions peu franches et perfides. Parfait pour lui, qui ne faisait que se moquer d'elle. Son sourire s'agrandit et ses yeux violacés plongèrent dans les iris bordeaux de sa semi congénère.

- Vous connaissez leur signification ? Dit-il en détachant chaque mot, laissant un regard vers la carte pour lui indiquer que c'était de cela qu'il parlait. Elle vous prévient ! Susurra-t-il, tel un démon.

Face à sa remarque qu'il savait être stupide, il ricana à la lune. Ses yeux se reflétèrent face aux rayons fantômatiques et virèrent un instant au violet pâle, presque lavande. Puis il replongea dans les yeux de la soviétique en se léchant les lèvres d'une façon peu élégante ni rassurante. La colère allait-elle dévorer ses pupilles écarlates ?

Quelque chose clochait chez ce Kaelan De BeauMarchais, elle l’avait toujours sue, mais, à l’époque, elle n’avait pas été capable de mettre le doigt sur ce détail. Il fallait dire qu’à l’époque, elle n’était de celle qui était attentive aux autres. Elle était trop occupée à oublier ses propres problèmes. Même maintenant, alors qu’elle était libérée de la haine de sa famille maternelle, son passé revenait la hanter. Elrisa se fit tirer de ses pensées par l’homme qui lui déposa quelque chose dans la main. Surprise et intriguée, l’infant baissa le regard vers sa main et vit que Kaelan, où quel que soit son véritable nom, lui avait déposé une carte de jeu dans la main. La raison de ce geste n’appartenait qu’à cet homme, ses pensées étaient encore centrées sur la carte mystère lorsque Kaelan se remit à parler. Elle l’écouta attentivement et garda un visage inexpressif lorsqu’elle l’entendit, à mots voilés, la traiter d’idiote. Risa était capable d’endurer bien des insultes, depuis sa plus tendre enfance elle avait dû endurer le dégoût de sa mère et, depuis peu, le dégoût qu’elle inspirait aux autres vampires. Apparemment, Kaelan ne faisait pas exception aux autres, il savait sa véritable identité et le fait qu’elle était une infant ne lui inspirait que du dégoût. Cependant, elle n’aimait pas le fait de se faire traité d’idiote, mais elle parvient à rester calme.

"J’ai toujours su que quelque chose n’allait pas avec vous… Cependant comme vous vous êtes uniquement présenté sous le nom de Kaelan De BeauMarchais, je me suis dit qu’il valait mieux que je vous appelle par ce nom au lieu de nom dans le genre de Monsieur l’inconnu. "

En l’entendant rire, Elrisa comprit rapidement qu’il n’agirait pas comme en Russie. En Russie, elle avait gardé de lui un souvenir d’un parfait gentleman, mais aujourd’hui, il se comportait exactement à l’ opposer de sa première attitude lors de leur rencontre en pays soviétique. Puis, Kaelan vient tourner la carte qu’elle avait toujours dans sa main. Elle avait complètement oublié cette carte. Perplexe, elle regarda la carte mystère se révéler être un deux de pique. L’infant fronça des sourcils, pourquoi Kaelan lui avait mis cette carte dans la main? Elle leva le regard vers le vampire, dans l’espoir de voir sur son visage quelque chose qui lui dévoilerait ses pensées, mais elle ne rencontra que le regard violacé du jeune homme. Elle l’entendit lui demander si elle connaissait sa signification, mais son expression devait amplement dire que non, car il ne tarda pas à lever une partie du voile qui pesait sur la signification de cette carte. En apprenant que cette carte la prévenait, la domestique pencha la tête sur le côté et observa la petite carte. Comme une chose aussi insignifiante pouvait-elle la prévenir? Puis elle se souvient, elle avait entendu parler que certaine personne prétendait pouvoir lire l’avenir dans les cartes. Jusqu’à maintenant, elle avait cru que ce n’était que des bobards racontés par des gens pour mieux duper les voyageurs, mais c’était peut-être la réalité en fin de compte.

"De quoi me prévient-elle selon vous?"

Dans ce domaine, Elrisa était extrêmement naïve. Très tôt elle avait appris à ne compter que sur elle-même en ce qui concernait sa survie, mais dans beaucoup de domaines qui ne concernaient pas sa survie elle était totalement ignorante. Curieuse, elle baissa à nouveau le regard vers la carte et l’observa avec attention, se demandant quelles autres significations elle pouvait avoir.

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Balade nocture [Pv Luderik]

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